mardi 10 juillet 2007

L'enfant

Matzneff, selon son témoignage, ne se contente pas, au meilleur de sa forme de quadragénaire, de collectionner les jeunes pousses lycéennes comme d'autres entomologisent les papillons ou les libellules. Il associe à sa tromperie systématique le refus du couple et de l'enfantement. Rien à redire sur la liberté effective de moeurs dont jouit l'individu - à condition, bien entendu, que la liberté ne se confonde pas avec son principe antagoniste. Sauf que, selon le raisonnement de Matzneff, l'enfantement signifie la mort. Pour échapper à la vieillesse, rien de telle qu'une cure de jouvence sexuelle. Le vieillissement tient dans l'acceptation des conditions de vie biologiques, auxquelles l'homme se trouve soumis. Le pédophile est ce pervers qui refuse les conditions de vie pour mieux se soustraire à l'empire et l'emprise de la mort. Ce faisant, il commet l'erreur tragique en croyant s'en défaire. Le sens dessus dessous aboutit à l'illusion. Ce qu'ignore le pédophile, c'est que le seul moyen d'échapper à la mort est d'accepter l'humaine condition - soit de transmettre la vie. La pire des condamnations à mort équivaut au refus des conditions de vie. La course effrénée contre le temps, la mort, la vieillesse et la maladie que le pédophile intente est une course perdue d'avance, un procès contre Dieu. Pour échapper le plus longtemps possible à son verdict implacable, le pédophile use d'un stratagème qu'il estime, dans sa grande folie, ingénieux : accéder à l'éternité en refusant l'enfantement. L'ironie la plus cruelle qui le cueille au tournant de sa ruse pitoyable et puérile : l'éternité, soit la négation du temps, se révèle l'exacte reconstitution de la damnation, l'emprisonnement dans l'antithèse impossible du devenir. En enfantant, l'homme accède au secret du devenir et assure la permanence du réel. En se rebellant, tel un ange déchu, contre cette loi qui le dépasse heureusement, le pédophile joue à qui perd gagne. Il ne faut pas s'étonner que Matzneff et sa joyeuse bande de drilles séducteurs correspondent tous à des dépressifs et des nihilistes. Ce n'est pas que l'époque soit pédophile, c'est qu'elle incarne cette jeunesse frelatée dont le poison contient et promet l'âcre goût du refus de la mort.

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