vendredi 1 juin 2007
L'horizon de l'homme
Le propre du libéralisme n'est pas seulement de rendre légitime l'abominable - et je pense à cet implacable slogan : le bonheur est dans la consommation. Soit dit en passant, il est contradictoire de s'étonner du programme de destruction en germe (au moins) dans le projet de consommation. Car la consommation, pour reprendre une métaphore biologique, suppose la digestion et la transformation par l'assimilation. Il se pourrait d'ailleurs que le succès immédiat du libéralisme tienne à sa parenté frappante et immédiate avec nos appétits originels et fondateurs. Le libéralisme se distingue aussi par sa formidable puissance hégémonique : jamais l'idéologie dominante n'est parvenue à laisser croire à la nécessité de son unicité. Hors du libéralisme, point de salut. Pour reprendre un slogan bien connu, dont la paternité est peut-être le propre de von Mises ou Gobetti, encore que Nozick l'anarcho-libéral en ait fait son antienne favorite, le libéralisme constitue l'horizon indépassable de l'homme. Dont acte. L'idéologie libérale s'impose comme d'autant plus unique qu'elle suscite l'extinction de tous les autres modes de pensée, leur asphyxie progressive au nom du bien-être commun défini comme satisfaction du désir matériel et marchand. Cette faculté rare s'explique sans doute par le fait que sur le court terme, le libéralisme est la panacée de l'opulence matérialiste et qu'il faut se projeter sur le moyen terme pour s'apercevoir de ses inconvénients majeurs et du fait qu'il ne passera pas cette barrière (sur le long terme, le libéralisme n'est en effet pas viable). Le libéralisme crée bien quelques divergences, quelques bulles et niches, au sein de sa toile géante. Mais le propre du libéralisme est de laisser croire qu'il n'est d'autre alternative à son extension que sa propre manifestation. Le libéralisme est ainsi et d'avance toujours gagnant : ses principaux défauts, et ils ne sont pas minces, se trouvant balayés au nom de leur nécessité indépassable. L'exclusion des quatre cinquièmes de l'humanité et la paupérisation (précarisation) grandissante? Nécessité! Rien ne sert de trop claironner que le libéralisme accroît la liberté ou diminue l'écart entre les revenus minimums et maximums. L'important est d'empêcher l'idée d'alternative au nom de son renvoi dans l'Erreur Antilibérale. Si le libéralisme est l'horizon indépassable des sociétés humaines, alors, effectivement, le principe même de l'alternative se trouve nié au nom d'idéologies réactives ou vouées à l'échec. Je crois cependant que la fin du libéralisme ne se confond pas avec la fin de l'humanité et que l'homme a les moyens de surmonter le libéralisme. Non en se rabattant sur des alternatives inspirées de l'échec des idéologies marxistes, mais en comprenant que la théorie de l'horizon insurmontable tel que le libéralisme nous en rebat les oreilles est justement le symptôme annonçant que le libéralisme sera surmonté et que de nouvelles idéologies viendront le remplacer. La fin du libéralisme prophétise paradoxalement et profondément sa fin véritable, dans une délicieuse polysémie. Le but n'est pas tant que les théories assurent le bonheur de l'homme (fin assez trompeuse et dérisoire), mais sa pérennité.
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