Episode 6.
Il est évident que le sport est fondé sur le système de la concurrence, de la compétition, de la victoire. Le sport professionnel représente l'exacerbation de ces qualités jusqu'à la guerre. La guerre serait-elle aussi nécessaire à l'équilibre humain que le sport et le jeu? C'est ce qu'on pourrait se demander en constatant leur parenté frappante. Dans les trois cas, force est de constater que leur prégnance si répétée ne relève pas du hasard. L'homme a besoin d'affrontement, de rivalité, de violence pour exprimer sa nature. On remarquera d'ailleurs que l'adaptation au réel suppose ces qualités de premier ordre et que les remarquables longévité et supériorité de l'homme ne découlent pas du tout de sa douceur angélique, mais de ses facultés de domination. Que l'homme ait besoin de maîtriser son monde, toute son histoire en témoigne. Ce n'est pas les récentes condamnations de l'esclavage et du colonialisme qui démentiront ce constat, alors que les pacifistes bêlants aimeraient changer la nature humaine et faire de la guerre une entreprise inhumaine et monstrueuse. A l'aube des grandes conquêtes et manœuvres de colonisation (spatiales, cette fois), je crains fort que la condamnation de la guerre et de la domination méritent d'être reconsidérées attentivement. Car ceux qui protestent aujourd'hui ne le font jamais qu'au nom d'une condamnation de l'homme. Je sais bien que la souffrance et la destruction ont un caractère révoltant, surtout quand elles se manifestent sans nécessité, comme c'est le cas, déroutant et désespérant, chez l'homme. En même temps, cette disposition injuste est précisément la garantie salutaire de la pérennité humaine. Sans instinct de domination, point d'instinct de survie. Je ne prendrai pour exemple que les Vaudois chers à Voltaire, qui périrent massacrés par les armées française (ou papales?) du fait justement de leur absence de combattivité. Après tout, l'homo sapiens sapiens n'a dominé ses proches cousins que grâce à sa pugnacité et sa rudesse. La sagesse du sapiens sapiens ne réside nullement dans la raison, cette même raison qui condamne la domination de l'homme par l'homme sans se rendre compte qu'elle est tragiquement nécessaire et qu'elle ne peut être évitée que par l'édification d'un but extérieur (j'allais dire d'un détournement, au sens d'une captation). L'agressivité humaine dérange quand elle se dirige contre l'homme (cas des entreprises de colonisation), mais arrange quand elle s'opère contre l'environnement. Les Droits de l'Homme, aussi justes soient-ils, ne valent que dans la mesure où l'homme et son environnement se trouvent concernés par le danger de destruction. La colonisation du système solaire n'engendrerait pas les mêmes protestations morales que soulève l'asservissement actuel, qui plus est hypocrite, du monde à l'Occident. Nous voilà bien loin du sport. Pas tout à fait. En attendant l'avènement des Jeux Galactiques, puisque les stars du Real de Madrid s'affublèrent de ce titre honorifique dans un réflexe visionnaire, le succès planétaire du sport s'explique par la valorisation des qualités essentielles de l'homme. L'évolution ultralibérale est la conséquence logique et exacerbée de la prise en considération et de la valorisation de qualités indéniables comme l'esprit de compétition, de concurrence et de domination qui animent l'homme. Le dopage comme dépassement transgressif n'est jamais que le prolongement obligé de ce système, dont le vice n'est pas tant le manque de réalisme interne que l'absence de considération de l'extériorité. L'homme a besoin de buts extérieurs pour ne pas retourner ses qualités contre lui et pour que son énergie acquière à ses yeux une connotation positive (fatalement relative). La valorisation du sport n'implique nullement qu'on change des règles excellentes, qui d'ailleurs prévalent déjà dans l'amateurisme le plus dilettante (il n'existe aucun plaisir à jouer pour le plaisir). Le sport échappera à ses démons quand il ne sera pas le triste représentant du système hégémonique et unilatéral dont dispose l'homme pour organiser son existence sociale et politique. C'est de sens philosophique dont l'homme a besoin. La morale hédoniste et étriquée actuelle, dont l'Onfray n'est jamais que le représentant subversif en France, aboutit à la démesure sensible parce qu'elle a perdu ses liens avec le métaphysique. L'homme a besoin d'urgence d'un nouveau lien avec le réel non sensible. Le jour où la crise actuelle du sens sera surmontée, les dérives du sport business ou de la pornographie apparaîtront comme des perversions dénuées d'intérêt. On aimera le sport et le sexe pour ce qu'ils sont et non pour ce qu'on aimerait qu'ils soient. La démesure inscrite dans l'homme, et dont le sport n'est jamais que le miroir grossissant, se trouvera jugulée par son seul remède efficace : le grand péril de l'homme est de s'enfermer dans son monde, de réduire le réel aux bornes de son monde. Son salut et sa pérennité passent par l'affirmation du caractère transcendant du réel par rapport au monde de l'homme. Dans cette logique, la pratique du sport exalte la plus saine des concurrences.
mardi 12 juin 2007
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