mardi 26 juin 2007
Face à la violence
Je suis toujours ébaubi de constater que le consentement est la notion invariablement brandie par les troubles partisans de la liberté pour cautionner les dérives au nom de la tolérance et du respect de la différence. Consentir serait accepter librement, en ayant conscience de la portée de son geste. Je passe sur le débat qui consiste à s'interroger sur la pertinence du concept de liberté. En admettant que la liberté existe, le consentement devient une contradiction manifeste dans les termes quand l'acte s'opère dans les eaux troubles de la violence. Car l'on voit mal comment le sujet consentirait à ce qui lui est nuisible et destructeur. Liberté implique lucidité et conséquence. Evidemment, on peut faire mine de ne pas percevoir le problème, pour se simplifier la tâche, mais force est de constater que violence et consentement sont contradictions dans les termes. La contrainte ne saurait s'accompagner du consentement. Maintenant, que l'on considère l'apparent paradoxe : les parties sont toujours consentantes à partir du moment où elles ont consenti. Je veux dire que le consentement est certes revendiqué par le dominant (défense prévisible), mais qu'il se trouve invoqué par le dominé, dans la mesure où le refus de la violence n'est pas de l'ordre du consentement. Je ne distingue pas dans ce second terme d'aberration : tout autant que le dominant, le dominé a intérêt à cautionner la violence qu'il subit. Soit la violence s'exerce comme une contrainte inacceptable, qu'on ne peut refuser (cas de la torture ou du viol); soit elle intervient de manière trouble, biaisée, insidieuse (cas de la prostitution, de la pédophilie et de bien des actes ordinaires de la vie). On aurait tort de marginaliser ou de mésestimer cette violence séditieuse. Elle représente la majorité des actes de violence. Probablement est-ce la raison pour laquelle on refuse de la considérer. La violence en son principe fonde sa banalité sur sa légitimité. Face à ce triste constat, la société demeure les bras ballants et se contente d'invoquer le plus hypocrite des principes de démarcation pour ne pas avoir à affronter la constante de la violence et son omniprésence en nos moeurs policées. Consentir à se prostituer n'a ainsi pas plus de sens que consentir à périr assassiné. Je me rappelle de l'article exposé dans les toilettes de connaissances particulièrement perturbées. Le papier revenait sur le cas d'un anthropophage qui avait dévoré le sexe de sa victime, puis l'avait découpé et mangé, avec le consentement de cette dernière et après avoir passé une petite annonce. Le meurtrier fut bien entendu condamné, tant le consentement apparaissait comme une excuse légitimant l'horreur et l'abjection. Il est curieux que pour les cas où la violence semble moins prononcée et moins claire, le consentement ressurgisse comme délimitation viable et excuse commode : il a consenti, donc le débat est clos. Ainsi des Occidentales fortunées cherchant gigolo auprès de la faune de Saint Domingue. Avec une once de recul, on ne saurait sérieusement prétendre que ces gigolos sont consentants. Pourtant, c'est ce qu'ils prétendent tous de prime abord. A y bien regarder, le consentement des amantes s'avère tout aussi problématique que celui de leurs compagnons de fortune. Leur consentement s'apparente à une fuite en avant. La notion de consentement ne suppose pas seulement le postulat fallacieux que l'homme dispose d'un quota de libre arbitre égal selon toutes les situations; il implique également que l'homme sous l'emprise de la violence se montre capable d'une lucidité accrue et qu'il soit en mesure de déterminer ses intérêts véritables sur le long terme, indépendamment du contexte de la violence. C'est ainsi que le gigolo dominicain devrait se départir de la formidable violence de la pauvreté pour délibérer des enjeux de son acte de prostitution (au moins latent) sur sa personnalité. Je ne prétends pas que ce soit impossible, mais rien n'est moins aisé et ne suppose l'assistance d'une grâce quasi divine. Considérer que le consentement s'opère sans modification dans le cadre tourmenté de la violence sous-entend déjà un déni certain de la violence et de ses conséquences. C'est d'ailleurs la règle de base des dominants que d'invoquer le consentement en lieue et place de la violence occultée. Façon de dire : voyez, face au donné intangible, le consentement offre son assomption aux conditions d'avènement des événements. Consentez, vous êtes piégé! Je ne suis pas loin de penser que le consentement est l'argument simpliste que l'on exhibe chaque fois que l'on veut refuser le réel et ne pas s'embarrasser la vie avec la plus équivoques des tâches : l'administration de la justice.
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