Episode 3.
Le sport professionnel serait le lieu du pouvoir et de l'argent. Cette assertion de départ mériterait d'être nuancée en constatant que le pouvoir et l'argent sont d'autant plus présents que le sport est populaire et médiatisé. Raison pour laquelle le football, le sport réputé le plus universel, charrie le plus d'argent et de pouvoir. D'ailleurs, l'argent et le pouvoir sont si liés qu'on peut noter que le pouvoir englobe l'argent : l'argent n'est jamais que la conséquence du pouvoir, quand bien même il serait la cause première. Reste à se demander pourquoi le sport tend au business et incarne à ce point l'antichambre du pouvoir (si tant est que les fondements du pouvoir soient inexistants, ainsi que le constate, entre autres, Rosset). Il y aurait long à invoquer la nature du jeu, qui consiste à fixer des règles dont l'homme est (enfin) à l'origine, bien qu'elles rétablissent les principes d'inégalité et d'incertitude subrepticement. Je ne retiendrai pour ma part que la relation entre l'affirmation du pouvoir et l'accent porté sur le corps. Pas n'importe quel corps : un corps dont la puissance consiste précisément, dans un réflexe de démesure que les Grecs condamnaient pourtant, à nier sa fragilité constitutive. Un corps donc dont l'hyperpuissance abrite paradoxalement (mais logiquement) les failles criantes, tant il est vrai que l'outrance est l'antre par excellence de la faiblesse. C'est toute l'ambigüité du statut du corps qui rejoint l'ambivalence constitutive du pouvoir : d'être d'autant plus fragile qu'il se réclame avec force (et autorité) de fondements inexistants. Rien d'étonnant à ce que le mensonge sportif rejoigne le mensonge du pouvoir : de même que le roi est d'autant plus nu qu'il cache sa nudité sous la luxuriance de ses ors et diadèmes, le corps du sportif est d'autant plus puissant (surmusclé) qu'il est faible. Faiblesse immédiate : l'obtention de la puissance est compensée par le prix fort de la destruction (déchéance et mort prématurées). Faiblesse médiate : car ce n'est pas le moindre paradoxe que cette faiblesse du corps s'opère au sein du lieu par excellence de la désincarnation. Le but de ce corps est sa représentation - médiatisée. La puissance ne vaut que par l'entremise de sa différance, pour reprendre un terme cher à Derrida. Puissance dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle ne vaut que dans la mesure où elle suppose la médiation à même de la mettre en scène et de dissimuler son mensonge constitutif. Le roi est nu? Le sportif aussi. Dans les deux cas, c'est la faiblesse que la nudité révèle, formidable dénuement de ceux dont la valeur vaut par le mensonge et l'erreur.
mardi 12 juin 2007
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