Episode 11.
Les salaires astronomiques que perçoivent les meilleurs sportifs, le torrent d'argent déversé comme une manne boueuse dans le sport contemporain, pourvu qu'il soit populaire, s'explique par l'ambition démesurée du système. L'ultralibéralisme consumériste et mercantile ne verse pas gratuitement les milliards d'euros aux dirigeants et aux stars du sport, pas plus qu'il n'achète pour des centaines de millions d'euros, en tout cas à des sommes folles, les oeuvres d'art. Dans les deux cas, il s'agit ni plus ni moins que d'acheter la vie. Ou plutôt : de signifier que la vie s'achète, qu'elle a son prix, comme le reste, quel que soit son caractère exorbitant. La vie d'un sportif dopé a certes son coût, qui n'est pas si exorbitant si l'on s'avise que les millions d'euros ne sont dispensés qu'aux meilleurs en échange de dizaines d'années de vie potentielle. Le système se montrerait presque avantageux si l'on se souvient du traitement infligé aux gladiateurs du temps des jeux du cirque (cette remarque mérite d'être nuancée à l'aune du traitement infligé aux sportifs africains, en Europe notamment). On remarquera que la mise à prix des chefs-d'oeuvre de l'art s'avère nettement supérieure, en moyenne, à la rente allouée aux sportifs moyennant leur dopage de plus en plus scientifique et génétique. C'est tout à fait logique. Car l'art s'avère un redoutable adversaire pour l'ultralibéralisme. En achetant le sportif, il ne prétendait jamais qu'à l'assujettir à ses fantasmes de surhomme et de puissance poussée dans ses retranchements. Il est nettement plus difficile de faire rentrer l'art dans l'hyperréel. L'art donne du réel une représentation plus riche que la perception commune, quand l'hyperréel prétend réduire le réel au fantasme. Bref, l'art agrandit le réel et l'hyperréel le réduit. Deux démarches inverses donc, qui ne se réconcilient in fine qu'avec le formatage des arts moderne et contemporain aux attentes du système.
mardi 19 juin 2007
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