vendredi 25 mai 2007

Extension du domaine de la lutte...

Denis Robert n'est pas le martyr isolé de la Liberté. Les Arènes, l'éditeur de Robert, publient La force qui nous manque, témoignage de premier ordre sur les arcanes de la Justice et de la corruption franco-mondialisée. Si l'on en croit l'ancien juge Eva Joly, aujourd'hui réfugiée en Norvège comme conseillère du gouvernement pour la lutte contre la corruption et le blanchiment, sur les 60 trilliards de dollars que charrie l'économie mondiale, 15 seraient gérés par les paradis artificiels et fiscaux. Les hedges funds, dont l'Allemagne exigea la surveillance rapprochée, au grand dam des Anglo-Saxons et des Américains (notamment), permettent à des gérants invisibles et anonymes toutes les opérations de blanchiment. Inutile de se demander dès lors où l'argent sale s'écoule et se blanchit. Joly n'est pas décidée à se contenter de cette révélation édifiante : elle rappelle que, selon elle, la plupart des pratiques anti-démocratiques des démocraties occidentales dans le reste du monde s'expliquent par le passage du colonialisme au néo-colonialisme travesti en décolonisation. Joly n'a pas enquêté pour rien, avec les graves menaces que l'on sait sur sa personne, sur certains des volets de l'affaire Elf, qui éclabousse, à l'instar des frégates de Taïwan, les plus hautes sphères politiques et financières de l'État français. Joly n'hésite pas à mentionner le nom de l'aventurier Dumas, le beau Roland, dont les actions s'avèrent plus tortueuses que l'imagination d'Alexandre, l'ami de Mitterrand lavé de tout soupçon alors qu'il aurait bénéficié de millions d'euros d'avantages et qu'il se trouve, à en croire Le Monde, dans l'affaire de l'héritage Giacometti et dans l'indifférence générale, "définitivement condamné, jeudi 10 mai, à douze mois d'emprisonnement avec sursis et 150 000 euros d'amende pour complicité d'abus de confiance, la Cour de cassation ayant rejeté son pourvoi". Si l'on poursuit la lecture de l'article, on apprend que Dumas, "ami de la veuve du sculpteur, Annette Giacometti, avait été désigné exécuteur testamentaire du couple au décès de cette dernière, en 1993. Afin de payer des frais de succession, il avait demandé en juillet 1994 à Jacques Tajan de vendre quatorze sculptures et quatre peintures aux enchères, qui avaient rapporté 6,51 millions d'euros. Selon la Cour, M. Tajan, en accord avec M. Dumas, avait conservé sur ses comptes bancaires près de 1,3 million d'euros pendant cinq ans. Pour l'accusation, ce retard était frauduleux et destiné à masquer une trésorerie défaillante". Ce portrait sommaire et édifiant en dit long sur les pratiques des nababs corrompus de la République. A une période où Charles Pasqua sort ses Mémoires (Ce que je sais, les Atrides, 1974-1998), lui qui fut accusé par Verschave de complicités multiples avec l'hydre de la Françafrique, c'est la critique d'ensemble de l'hypocrisie démocratique qui se trouve rappelée par l'admirable Joly (qui suscitera toujours plus mon admiration que les starlettes éthérées de Cannes) : les Droits de l'Homme étant d'autant plus magnifiés qu'ils se trouvent cruellement bafoués par leurs promoteurs dès que l'occasion (la raison d'État?) se présente. Ce n'est pas la visite d'Omar Bongo avant la présidentielle, puis sa réception enthousiaste par le trio Villepin/Sarkozy/Bayrou, qui apporteront un démenti éclatant aux sombres descriptions que Joly dresse des hautes sphères du pouvoir.

Aucun commentaire: