Episode 13.
Joignot, quand il déclare que l'espace de la jouissance est aussi celui de la prostitution, se rend-il compte qu'il profère un amalgame aussi inquiétant qu'abject? En prétendant que la prostitution serait le passage obligé pour que chacun parvienne à la jouissance, Joignot énonce une contre-vérité aussi inepte que passée sous silence par le reste du plateau et de la société. C'est que le sens et la sexualité sont domaines si peu débattus, à une époque qui se prétend si ouverte, que tous les amalgames, tous les préjugés, toutes les absurdités peuvent être véhiculés sans engendrer de mise au point rationnelle et lucide. Le raisonnement n'est pas seulement aberrant. Il fait fi de la souffrance objective que rencontrent les personnes qui se meuvent (terme neutre...) dans la prostitution. Est-il douteux ou seulement concevable qu'une personne prostituée soit en mesure de jouir dans l'espace réservé à la prostitution? La réponse coule de source et laisse entrevoir l'horrible totalitarisme à l'oeuvre derrière le système prostitutionnel travesti en vitrine de la liberté contemporaine : d'aucuns jouissent du pouvoir que leur confère l'argent et détruisent les victimes d'une situation qui réduit la personne aux bornes effroyablement étriquées de l'objet. Il serait temps de se demander si la jouissance est envisageable dès lors qu'elle instaure un rapport de réduction à l'objet. Allons jusqu'à l'extrême : le violeur jouit-il ou - souffre-t-il? La jouissance, à l'inverse du bon sens cartésien, est dès lors, selon cette conception en tout cas, le bien le moins équitablement partagé au sein de l'humaine nature, selon un critère et un refrain bien connus : selon que l'on soit fort ou faible... Pourtant, c'est au nom du droit à la jouissance pour tous, d'un égalitarisme du plaisir dans lequel seuls les apparatchiks trouvent leur compte, que le plaisir se trouve accessible à la minorité des élus qui ont les moyens de correspondre à la vitrine des goûts révérant la puissance et la domination finies. Le mensonge que véhicule Joignot est d'autant plus remarquable qu'il correspond en tous points à la vulgate ultralibérale, dont on peut constater les dégâts effroyables qu'elle produit dans certaines démocraties vénales quand elle prétend que le corps humain peut faire l'objet de consommations tarifées et que s'en offusquer relève du moralisme réactionnaire et passéiste.
lundi 21 mai 2007
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