Episode 16.
Davy se plaint que les tabous ataviques ont enfermé le cinéma pornographique dans le ghetto de l'industrie, de la marchandise, de la performance. Davy aurait rêvé de réaliser l'artistico-porno digne de son pendant Bergman (du porno ennuyeux et brumeux, voilà qui promet). Noé s'insurge qu'on ne puisse présenter un film avec des scènes sexuellement explicites sans se heurter à la fameuse interdiction aux moins de 18 ans. La censure pornographique s'expliquerait seulement par l'intervention d'associations moralistes et réactionnaires. Noé a raison : autorisons la pornographie à tous les publics, y compris ceux adolescents et enfants, et la société se libérera de ses préjugés et complexes! La pornographie sauvera le monde! Davy est encore enfermé dans sa gangue de libéralisation, sans comprendre que la représentation crue de la sexualité engendre précisément le pornographique tel qu'on le connaît à l'heure actuelle et tel que tous s'accordent à en dénoncer les dérives. Le dédoublement fantasmatique qu'entreprend Davy pourrait ainsi trouver son pendant politique avec l'idéologie de type communiste, mais surtout avec son alter ego littéraire. Contrairement à ce qu'affirme Joignot, la grande littérature ne traite de sexualité que dans la mesure où elle n'obéit pas aux impératifs pornographiques. Le principe pourrait s'énoncer avec l'exemple de Zola. Le pape du naturalisme écrit des chefs-d'oeuvres dans la mesure exacte où il diverge (à son insu?) des représentants de son école (ainsi des Goncourt, champions de l'ennui, dont on peut se demander si les apôtres du Nouveau Roman ne constituent pas de modernes et lugubres épigones) par son lyrisme halluciné et sa capacité, fort métaphorique, à dire le réel autrement qu'à l'ordinaire. Permettre à la représentation d'entrer en prise avec le réel si indéfinissable et ineffable - telle pourrait se définir l'entreprise artistique en général, littéraire et cinématographique en particulier. La démarche pornographique réalise précisément le prodige inverse : de tuer le réel et d'instaurer en lieu et place le règne outrancier, brutal et obscène (de ce fait) de la représentation humaine. Décrire le sexe dans sa profondeur implique précisément qu'on en montre ni les détails ni les plis. Plus on exhibe, moins on signifie. Le sens est prisonnier de la métonymie comme la pornographie de sa gangue tautologique. On comprend mieux la surenchère dans laquelle elle s'enferre avec délice : condamnée à montrer toujours plus, elle finit par filmer les orifices de l'intérieur, dans un élan voyeuriste et nauséabond dont on commence seulement à mesurer le caractère intrinsèquement et viscéralement (c'est le cas de le dire!) morbide. Autrement dit, pour qui souhaiterait parler de sexualité, rien de plus classique : ne lui resterait qu'à revenir aux bonnes vieilles méthodes et à s'interroger sur les raisons qui interdisent de fonder un nouveau genre (plus fantomatique que le snuff movie) esthétique. Joignot a tort de différencier le gonzo de ce qu'aurait pu être le chef-d'oeuvre porno...
vendredi 25 mai 2007
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