Dernier épisode.
Au terme de cette retranscription engagée au sujet d'une émission assez prévisible portant sur un sujet on ne peut plus prévisible, les participants, qui, une fois de plus, se révèlent plutôt favorables à la pornographie (je ne rappellerai que le cas de l'inénarrable et stéréotypé Joignot), tant qu'elle se contente d'égratigner les interdits, se montrent tous obsédés par le travers de la prohibition. Redoutant de passer pour d'horribles moralistes (mieux vaut être pervers que moraliste de nos jours), nos convives (fort peu festifs) rappellent tous qu'ils ne sont pas favorables à l'interdiction de la pornographie. Quelle est la limite entre la tolérance absolue (qui conduit à l'intolérance) et la censure (qui mène au même résultat)? La première mesure serait d'encadrer avec plus de rigueur et de bonne foi une industrie qui pèserait en 2002 aux alentours de 50 milliards d'euros. Les stratégies d'interdiction devraient porter en priorité sur la révolution Internet, dont le développement facilite les techniques de contournement et l'accès en quelques clics aux mineurs et aux esprits crédules. La seconde mesure serait de lutter de manière enfin efficace, c'est-à-dire en prenant en compte les enjeux de la mondialisation, contre les graves perversions qui permettent aux pays pauvres de s'enrichir grâce au tourisme sexuel de masse (et je ne pense pas qu'à la pédophilie). D'une manière générale, la pornographie exprime l'esprit de l'époque. S'il est évident que le sexe a toujours déchainé les passions, il est certain que sa représentation évolue en fonction des époques. La pornographie est ainsi le miroir de la modernité. Le moins qu'on puisse dire est que le spectacle affligeant qu'elle produit devrait nous inciter à la prudence élémentaire quand la propagande néolibérale tresse les louanges de l'époque contemporaine, censée incarner toutes les vertus du Progrès. Il est certain que le traitement de la sexualité a beaucoup évolué en fonction des époques. Selon Wikipédia, "l'œuvre de Rabelais témoigne d'une mentalité pour laquelle la sexualité faisait encore pleinement partie de la vie humaine et n'était pas considérée comme un sujet "tabou", interdit à la représentation et au discours commun. À cette époque, une catégorie comme la "pornographie" était en fait inconnue, et l'accusation d'obscénité visait beaucoup plus des comportements que des représentations (écrites ou graphiques)". Il est fascinant de constater que l'Antiquité, notamment chinoise, témoigne d'une certaine reconnaissance, en même temps que d'une mesure certaine, envers la sexualité. Les outrances étaient sans doute parées d'un ridicule plus grand. Encore qu'il ne faille pas idéaliser les tabous et les non-dit des époques passées au nom justement de leur caractère passé. Il est fascinant de constater que la modernité prétend d'autant plus combattre les pratiques ataviques légitimant la violence sexuelle (incestes, viols, violences conjugales, pédophilie...) qu'elle en réintroduit certains signes et avec usure (réglementarisme dans certaines démocraties concernant la prostitution, explosion du commerce pornographique...). Le Progrès serait-il un leurre aveugle? La vérité est assez contraire : au lieu d'une réelle libération, c'est à la libéralisation des moeurs qu'on assiste. Soit l'hypocrisie qui consiste à remplacer les anciens interdits par l'Argent. Le nouveau dieu achète tout, réduit tout à sa passion destructrice. L'Occident ne s'est pas sexuellement libéré. Il a simplement rendu accessibles les échanges sexuels aux heureux gagnants du nouveau pouvoir, dont le signe ostentatoire consiste à amasser le plus d'argent possible. Effectivement, pour le milliardaire, aucun rêve, aucun fantasme ne semblent interdits. Pour les autres, ceux qui estiment vivre en démocratie, il n'est pas certain que les choses aient substantiellement changé, que le vieil équilibre foncièrement inégalitaire et inégal ait évolué dans le sens de la démocratie. Selon l'apologie de la violence, en revanche, les signes de Progrès sont éclatants. Il suffit d'en vérifier les stigmates, visibles et invisibles, auprès de la fange des déshérités qui constituent les esclaves sexuels et consentants de l'hypermodernité. Dont acte.
vendredi 25 mai 2007
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