Inquiétudes

François Bégaudeau, au Monde du 15/03/2006 : "Il y a deux manières de négocier cette statistique [l'école tend à accentuer les inégalités] : incriminer les nouvelles méthodes pédagogiques ou, c'est mon cas, penser qu'elles n'ont jamais vraiment été appliquées et que les choses iront un peu mieux quand elles le seront vraiment." Moi qui n'ai pas lu les pamphlets de Brighelli, qui suis professeur et possède un point de vue assez nuancé sur l'enseignement (à l'heure actuelle, je dirais que les choses sont plutôt gris foncé), je remarque que celui qui se veut l'adversaire de Finkielkraut et de tous les contempteurs de l'école contemporaine, de la didactique, de l'IUFM, du renouvellement de la pédagogie, ne se rend apparemment pas compte qu'il recycle un argument communiste vieux comme le monde : si les idéales théories n'ont pas marché, c'est qu'elles ont été mal appliquées. S'il se montrait un chouia plus lucide, il dirait au contraire : les choses n'ont pas fonctionné car les idéales théories contenaient un vice caché. Bien entendu, ce qui est faux de l'expérience communiste l'est a posteriori de toute manière de condamner l'expérience au détriment de la théorie. Que Bégaudeau et ses acolytes persistent et signent, malgré le bénéfice du recul, relève de l'obscénité et en dit long sur l'aveuglement des élites gauchistes, brillantes, médiocres et moutonnières qui prétendirent réformer l'école et changer les apprentissages, la nature humaine - et le réel. Quant au fond, il est certain que si l'école se trouve dans le même état que les pays communistes à l'époque du Rideau de Fer, si elle subit le même déni de réalité que les doctes apologies pro-staliniennes ou pro-maoïstes, il y a de quoi se faire quelque souci sur l'avenir de la France et de l'Occident, pour ne pas dire plus.