dimanche 20 mai 2007

Yazid'show

Jamel remet, sur le plateau de Canal Plus, lors de la cérémonie de remise des trophées du football français, une récompense à Zinédine Zidane pour l'ensemble de sa somptueuse carrière. Bien entendu, les superlatifs pleuvent, mais Jamel, qui est censé faire rire, et Zinédine, qui préfère sourire que parler, représentent la France black-blanc-beur. Comme ce modèle d'intégration sportif bat en brèche la menace grandissante du communautarisme, le public salue à tout rompre les vannes de Jamel et les silences de Zizou jusqu'au ridicule et au grotesque. Ainsi, Jamel n'hésite-t-il pas à glisser à Zizou que ses deux buts en finale de la Coupe du monde ont permis d'abolir le racisme pendant quarante-huit heures. Effet garanti dans la salle, persuadée de lutter par ses applaudissements enflammés contre le méchant racisme qui étreint le bon peuple de France. Bien mal m'en prend, je ne ris pas : le racisme serait-il toujours le seul et triste apanage des Français blancs? Les Arabes et les Noirs de France seraient-ils toujours imperméables à ce sentiment que j'identifiais jusqu'alors et confusément comme un vice de l'humaine nature? Le racisme serait-il toujours dirigé contre les Arabes et Noirs de France, qui ne seraient que des victimes pures et innocentes? Je n'eus pas le temps d'approfondir cette perplexité naissante que Jamel avait déjà proféré une nouvelle et décapante annonce : à ses yeux, Zizou appartenait à l'Histoire, il avait accompli des actions si extraordinaires que les gens ne mesuraient pas la chance qu'ils avaient de le voir en vrai, de profiter de sa présence, de l'avoir vu jouer, de le voir sourire. Du coup, le numéro huit et demi se couvrit d'une gêne pudique. Quant à moi, je cherchai vainement dans la salle la présence de Nelson Mandela ou Michel Houellebecq, un grand homme d'État ou un artiste, enfin quelqu'un qui compense bon gré mal gré cette déclaration outrageusement grandiloquente par la noblesse de ses actions et mérites indubitables. Peine perdue : l'adresse était destinée à un footballeur, qui, aussi virtuose soit-il, évoquait irrésistiblement ce lanceur de pois chiche à qui Alexandre offrit un boisseau en guise de récompense pour pris de son talent aussi impressionnant que vain.

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