dimanche 27 mai 2007

Transporn

Si la sexualité humaine se libérait de ses préjugés ataviques, le porno serait un genre mineur, qui ne recueillerait les faveurs que de quelques pervers et de quelques ados en mal de transgression et d'interdits. Trouver intéressante la représentation outrée et purement mimétique d'échanges sexuels hyperréalistes est, si l'on accepte d'y songer avec un minimum de distance, aussi stupéfiant qu'inquiétant. Vu le succès de masse que le porno remporte, au point que les acteurs porno sont considérés comme les héros transgressifs de la modernité, c'est que le porno occupe la place de révélateur et de solution impossible au malaise de la sexualité. Un Tropico, Rocco? Malaise de la civilisation : malaise de la sexualité aussi, tant il est vrai que l'un est le miroir de l'autre, dans un jeu d'échanges complexes et indéfinis. Le porno occupe la place du sexologue, sauf qu'il ne vient pas résoudre des problèmes physiologiques ou psychiques, mais qu'il acquiert son statut du fait de la crise que traverse le statut de la sexualité. Il est ironique que ce soit la pornographie qui se trouve désignée pour dénouer la crise, un peu comme si l'on attendait d'un dictateur qu'il améliore les carences de la démocratie. Précisément, le porno est la stratégie la moins pertinente pour espérer dénouer la crise de la sexualité. C'est même la garantie que les maux s'accroîtront, puisque le but du porno est la quête effrénée du profit. La crise de la sexualité est une crise d'identité. Identité politique, identité ontologique. L'homme ignore où il va. Le sexe manque de fins. Comme l'homme, le sexe a substitué aux fins les moyens. Jadis, le sexe avait valeur essentielle de procréation. Aujourd'hui, il tendrait plutôt vers le plaisir : plaisir du rapport stricto sensu, plaisir de l'enfant-roi comme réduplication seconde et égocentrique. Oublieux des raisons et des fins de sa présence en son monde, l'homme a substitué au sens les sens. Dans le cadre d'une vision d'ensemble de l'humanité, la sexualité retrouverait son sens - et l'intérêt du porno deviendrait marginal, passager et vaguement ridicule.

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