vendredi 25 mai 2007

Ce soir ou jamais?

Episode 17.

Les participants remarquent que la normativité du porno est telle qu'elle suit non seulement les modes du moment, mais surtout l'idéologie ultralibérale, qui, elle, très cohérente, ne change guère.
- corps jeunes, immuables et sublimes, de plus en plus sublimes.
- chirurgie esthétique omniprésente, notamment pour les seins, les lèvres et les pénis.
- absence des règles chez les actrices, qui pourraient pourtant être retranscrites avec force détails, au vu du projet hyperréaliste. Dans la même veine délicate, on pourrait imaginer que les scènes de sodomie narrent avec fidélité les péripéties scatologiques auxquelles ces pratiques aboutissent logiquement.
- absence de traces de vieillissement sur le corps des participants.
- muscles abondants et hypertrophie des organes.
- indifférenciation croissante des sexes.
Je remarquerai que cette esthétique, qui joue à outrance sur la pureté des corps, est intrinsèquement fasciste : le corps pur s'opposant au réel impur, en l'occurrence à cet esprit métaphysique ravalé à sa perte et sa dégradation. Où l'on voit que le porno charrie le message subliminal inverse du monothéisme et de la philosophie idéaliste. Où la culture identifie le récit de la Chute dans l'élément sensible, réhabilitant l'âme comme vestige inexpugnable du véritable réel, le porno opère le renversement exactement contraire : selon lui, le sensible est l'absolument pur et idéal, tandis que l'esprit et le virtuel sont les ressorts de l'abjection. Selon le porno, le sensible débarrassé de ses oripeaux métaphysiques est l'Hyperréel, la réconciliation de l'homme avec lui-même, c'est-à-dire la représentation du réel moins le réel.
Il me souvient de cette scène où Katsuni, avec un naturel déconcertant, couche avec un couple d'homosexuels également bi : tandis que l'un des partenaires sodomise Katsuni au bord de la piscine, son compagnon fait de même avec lui, dans un hallucinant projet de queue leu leu qui n'est pas sans évoquer les scènes irréelles de la Philosophie dans le boudoir et la philosophie incohérente du Divin Marquis dans son oeuvre (Dieu se trouvant d'autant plus insulté qu'il est nié). Effaré de cette évolution du porno vers la transgression des genres sexuels, jusqu'ici respectés jusqu'au racisme, je contemplai le spectacle : la tolérance devient ici hypertolérance : le seul moyen d'égaliser les différences revenant à tendre vers le principe de relativité absolue et le nivèlement universel des valeurs. Tout se vaut, slogan qui, dans le cas de la pornographie, engendre le terrifiant blanc-seing du : tout est permis. La tolérance du porno revient à légitimer toutes les déviances par rapport au modèle hétérosexuel majoritaire. Non qu'il soit honteux d'être homosexuel ou bi, bien au contraire, mais qu'il faille, à en croire ce type de films, en passer obligatoirement par des expériences gay (et pourquoi pas trans?) pour ne pas se retrouver affublé de l'étiquette infamante de personnage coincé dans sa libido judéo-chrétienne. L'hétérosexuel de base, celui qui a le malheur d'afficher des orientations sexuelles classiques, désespérément classiques, se retrouve vite catalogué ringard, voire, pis, insupportable réactionnaire. Le vilain petit canard qui est si obtus qu'il n'a jamais essayé l'expérience gratifiante de l'homosexualité! Pourtant, Katsuni est présente pour enseigner la voie du plaisir : cette jeune et belle femme n'est parvenue au plaisir qu'en enchaînant les scènes de domination exacerbée, couplées avec des relations de partouzes lesbiennes. Il est préférable de bouffer à tous les râteliers avant de se prononcer sur le goût du sexe et de la vie. La morale de cette histoire est consternante : l'apologie de la liberté absolue engendre rien de moins que la permissivité absolue à l'égard des formes les plus exacerbées de violence. La liberté signifie rien de moins que le fait de tout essayer avant de choisir en conscience. Le libre-arbitre poussé dans ses retranchements suppose le travestissement du choix en acceptation de la violence masquée. La surenchère qui gagne actuellement le porno n'est pas du tout un mal insidieux qui le gangrène, mais sa logique mutation vers ce que sous-tendait dès le départ sa démarche totalitaire et égalitariste.

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