mercredi 9 mai 2007

Ce soir ou jamais?

Episode 5.

Les caractéristiques du snuff movie, la mort et l'image de cette mort, en disent long sur le rapport qui unit le fantasme et le réel. Car le fantasme implique justement sa dissociation avec le réel. Par définition, la réalisation d'un fantasme signe l'arrêt de mort du fantasme en même temps que le passage à l'acte (on remarquera que l'expression contient l'idée d'assassinat). La position d'un acteur pornographique radicalise celle de l'acteur tout court : soit d'être un fantasme impossible, coincé entre le simulacre et l'incarnation. Impossible en effet pour l'acteur d'oublier que son rôle imaginaire n'est pas dissociable de l'identité de chair et de sang de la personne réelle. L'acteur n'est pas plus idéal que l'illusion n'est dénuée de réalité. Il est curieux que la pornographie contraigne à un grand écart encore accru et invivable de ce statut de l'acteur. Sans doute la simplification et la radicalisation de la représentation pornographique au détriment du réel encouragent-elles l'état initial de latence. L'actrice qui, à l'instar de Katsuni (et de milliers d'autres) se livrent à des acrobaties stéréotypées a bien commis les galipettes prévues dans le scénario de la production. Au contraire de l'actrice qui mime une meurtrière, mais ne l'est pas dans le réel, Katsuni qui se fait prendre par trois solides athlètes en érection s'est bel et bien fait prendre. L'écart entre la représentation du réel et le réel lui-même s'évapore au contact de la représentation pornographique. Comme si la reproduction du fantasme signait sa mise à mort. Le propre du fantasme est de ne pas se confronter avec la réalité. La réalisation d'un fantasme implique que ce ne soit pas un fantasme. La réalisation d'un fantasme signale, non le fantasme et l'onirique, mais la mort. La plus juste définition de la mort? La coïncidence de la représentation et du réel. C'est dire à quel point le projet de définir la vérité par cette juxtaposition est fallacieux et délirant, à moins de considérer que le seul moment de vérité de l'existence soit celui de la mort. Cette constatation probablement plus lucide que morbide se redouble d'une remarque touchant à l'importance du fantasme. Plus que l'importance, le fantasme est nécessaire à l'exercice de l'existence. Comme si le vivant avait besoin d'une distanciation de sa pratique avec sa conceptualisation pour vivre. Faut-il considérer que le fantasme charrie la mort et la violence? En fait, il serait plus juste de noter que le fantasme prémunit de la violence (surtout la plus extrême) en instaurant la réduplication par la représentation. Un sujet riche en fantasmes est garant de son équilibre mental et physique. Au contraire, l'absence totale de fantasmes signerait la psychose à tendance homicide prononcée. C'est pourquoi le surgissement de la violence et son accroissement manifestent la substitution du principe de réalité au fantasme. La modernité accomplit le passage de l'imaginaire comme expression de la réalité à la réalité comme expression de l'imaginaire. Cas de la télé-réalité, de la pornographie, qui prétendent incarner les nouvelles formes d'art et d'expression du réel, alors qu'elles se contentent de signaler la terrifiante réduction du réel à sa dimension tronquée des prolongements de l'imaginaire. Je veux parler du symptôme majeur de la modernité, qui consiste à réduire le réel aux bornes du fini. Ni plus, ni moins.

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