dimanche 24 juin 2007

La qué-quête du plaisir

Le plaisir est devenu la fin du monde que le monde entier nous envie. Problème : reste à définir ce qu'est le plaisir, surtout si l'on s'avise que le plus célèbre hédoniste, Épicure, prônait les antipodes de la luxure. Apparemment, Mélissa Theuriau est plus proche de la secte des hédonistes modernes que de vénérables résurgences antiques. Elle travaille pour M 6, la petite chaîne commerciale, qui vend avec brio de l'ultralibéralisme au nom du rêve comme d'autres des pains bio au nom de la bonne bouffe. C'est ainsi qu'on nous vend le plaisir comme une action mécanique dont l'obtention permettrait d'atteindre l'idéal et le septième ciel. Le monde moderne aurait découvert le point G autorisant l'épanouissement de l'être humain sur Terre et sa réalisation matérielle (faute de mieux). A une période de crise métaphysique, il est tentant de se rabattre sur les promesses les plus réalistes. Justement. Il se trouve que le plaisir est un bien fort fini, périssable et fragile. Sa jouissance est si éphémère et incertaine qu'elle encourage surtout sa quête et que le succès de sa marchandisation est assuré (en tant que sa fin prévisible et nécessaire). On imagine le slogan d'une société consumériste : pour être à la hauteur, il faut jouir le plus possible. Chacun s'efforce de satisfaire à cet objectif par définition irréalisable, par rapport auquel les privilégiés possèdent de nombreuses longueurs d'avance et qui encourage la violence et la domination. Entre ceux contraints de se donner à la demande en plaisir, ceux qui, pour faire comme tout le monde, sont prêts à tout pour décrocher la Lune, pas sûrs que les gagnants du Loto échappent à la ruine : le plaisir comme quête marchande est soumis à l'impératif de la surenchère. Comme pour la drogue, il faut toujours augmenter les doses pour jouir, à tel point que le cercle vicieux est un mécanisme puissant d'insatisfaction, qui pousse d'autant plus à la consommation que le plaisir est un bien utopique. D'une manière générale, on se trouve d'autant plus insatisfait que la satisfaction comme valeur durable est une utopie périlleuse, qui pousse d'autant plus à son obtention qu'elle n'a aucune chance d'être atteinte. Mélissa Theuriau devrait avoir honte de vendre ce mirage aux alouettes, mais elle est trop occupée à défendre son morceau de charogne en vantant les mérites de l'égalité hommes/femmes et de la libération féministe. Comme souvent, cette libération cache l'alignement sur les aspects les plus pernicieux de la domination masculine, soit le droit et la liberté de prendre son partenaire pour un objet. Bien entendu, cette liberté d'accéder au plaisir tourne vite à la dimension sexuelle, si bien que les femmes réclament le même plaisir que les hommes. Problème : il n'est pas certain (mais alors pas du tout) que la sexualité féminine fonctionne sur le même mode que la sexualité masculine et que le plaisir féminin s'obtienne de façon identique au plaisir masculin. Passons. Glissons. Rêvons. La vengeance féministe dessert les femmes dans la stricte mesure où elle prétend les libérer. Vieux mensonge de la prostitution à ceci près que le discours de Theuriau prétend rétablir l'égalité, libérer des tabous et des interdits, démocratiser des pratiques jadis d'alcôves et de boudoirs, dans la mesure où il vend les sex toys et la réduction du mâle à un objet de consommation. Consternation? Consommer, vous êtes libérées! Après les femmes, les hommes objets! Mélissa, métisse de Paname, vend toujours sa vertu! Ha! On pressent déjà la revendication de la prostitution masculine pour les femmes comme juste pendant de l'atavique prostitution des femmes pour les hommes! Les femmes, ces matons de Panurge (une pensée pour le regretté Muray), sauteraient par-dessus bord si c'était aux fins d'imiter les hommes! Où l'on voit que la télévision vend l'ultralibéralisme dans sa dimension de marchandisation des corps, avec la métonymie éclatante du godemiché comme réduction de l'homme à son sexe, et de son sexe à un substitut objectif. Plus on est objectif et plus la propension à réduire la personne à l'objet est tentation grande. L'égalitarisme n'est pas seulement l'arnaque bien connue servant la marchandisation au nom des nobles idéaux. Il s'agit de rendre la violence inévitable et même agréable. Chapeau, Theuriau.

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