mardi 26 juin 2007

Epopée de la Puissance Onirique

Episode 15.

La mauvaise foi est au coeur du sport au point que les dopés (champions?) notoires peuvent affirmer qu'ils ne se dopent pas sans susciter de quolibets et de contradictions. Il est vrai que les sportifs sont les spécialistes du déni, capables de jurer leurs grands dieux qu'ils sont innocents au sortir d'une garde à vue accablante ou d'un test positif. Rien d'étonnant à cette faculté aussi impressionnante que ridicule : car c'est le mensonge de l'époque que le sportif exprime et qui explique que tant de spectateurs continuent d'aduler leurs héros et d'applaudir à leurs exploits. Le mensonge sur le sport rejoint ainsi le mensonge sur le reél. Le mensonge des médias est pour ainsi dire connexe : à en croire les médiateurs, soit les propagateurs de la propagande officielle, les médias offriraient la représentation approfondie du réel. A moins de prétendre que le mensonge soit devenu la vérité, c'est l'inverse qui est vrai : la télévision est une déformation proche de la négation. L'hyperréel est un mensonge de part en part. La télévision comme représentation est bien cette reconstruction contre laquelle il n'y a rien à objecter. Rien en effet à redire à celui qui prétend que votre voiture est jaune alors qu'elle est bleue. Autrement dit : il est impossible de démontrer la fausseté d'une thèse sur le terrain du langage. Pour ce faire, il faudrait se confronter au réel et c'est précisément ce que la mauvaise foi refuse avec obstination et quelque solide raison. Pour se réclamer de ce qu'elle nie, la mauvaise foi s'ancre dans un territoire inexpugnable. Elle dresse l'apologie de la lutte contre le dopage quand elle incarne l'échec de cette lutte. Qu'est-il à objecter contre un sportif convaincu de dopage et qui jure ses grands dieux qu'il ne s'est pas dopé? De multiples parades demeurent en sa possession, à commencer par l'invocation de cet ailleurs, qui convoque l'univers des possibles, sans que la frontière entre possibles réalisables et possibles utopiques puisse être avancée. La preuve d'un dopage avéré est toujours réfutable : le sportif invoquera l'incompréhension, le dopage extérieur (d'autant plus commode qu'il est invérifiable), ou, mieux encore, la spéciale Bouras. Ce judoka émérite, champion olympique, expliqua posément, suite à son dopage positif et médiatique, qu'il ne s'était pas dopé parce qu'il était musulman. Sous-entendu : il n'était pas loin d'être victime d'une cabale raciste et islamophobe. La victime du Grand Complot n'était autre que celui qui avait triché, il est vrai avec la bénédiction des institutions. Il paraît que les grands paranoïaques réfutent la mort jusque sur leur lit de mort. L'époque perpétuera son mensonge (et son crime) jusqu'à la disparition de l'espèce (humaine). Le seul moyen de la contredire consiste à changer de cap.

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