mercredi 13 juin 2007

Epopée de la Puissance Onirique

Episode 8.

Le dédoublement fantasmatique est l'arme imparable de la mauvaise foi. Après les réglementaristes cupides, qui invoquent la distinction fantasmatique entre prostitution consentante et prostitution esclavagiste, voici les apologètes du sport business : à côté des dopés honnis se tiendrait l'honorable caste des héros adulés. Dont acte. L'honneur est sauf. Il ne reste plus qu'à diaboliser les malheureux maladroits qui sont pris la main dans le sac pour mieux encenser les autres au nom de leurs rares facultés de dépassement. Se rend-on compte que le mensonge côtoie l'abjection? Si la morale sportive constitue l'ombre fidèle de la morale sociale mondialisée, la fable de la finale du cent mètres des Jeux Olympique de Séoul en 1988 mérite apologue : scandale absolu, le vainqueur de l'épreuve pulvérise le record mondial en même temps qu'il est convaincu de dopage aux anabolisants. Insulté et déchu, le champion est ravalé au statut de tricheur et de menteur, comme s'il était le seul dopé. La vérité fut exprimée par un scientifique dont je ne retrouve plus le nom dans une interview au Monde : l'homme, sauf rarissime exception, ne saurait descendre en dessous des dix secondes au cent mètres. Ce constat implique donc que Ben Johnson, c'est le moins qu'on puisse relever, ne soit pas seul tricheur de la finale, mais que tous les sprinteurs de cette finale en dessous des dix secondes relèvent de ce cas de figure (sans compter ceux qui se dopent et ne passent pas la fatidique barre). Carl Lewis était-il aussi dopé que Ben Johnson? Si c'était le cas, l'injustice de la condamnation se redoublerait de son hypocrisie impayable. C'est le forfait de la modernité que de prendre son désir de puissance pour une réalité (impossible) et de se réfugier derrière l'argutie de la preuve judiciaire pour nier l'évidence. Chacun sait que la justice est soumise au politique et que les intérêts sportifs dépassent de très loin la simple morale sportive. En l'occurrence, ils servent de caution à la mentalité de l'époque et ne sauraient être remis en question sans atteindre les fondements (bancals) de l'édifice.

Aucun commentaire: