vendredi 6 juillet 2007

Bave et résidu

Pour comprendre les funestes événements qui obscurcissent la marche du monde vers la soi-disant liberté, en fait le totalitarisme travesti en mondialisation de la démocratie et du libéralisme, il suffit d'écouter le grand ponte Nicolas Baverez, qui est pompeusement baptisé déclinologue par certains cercles et certains cénacles injustement affiliés à Montaigne (injustement, pour Montaigne s'entend). Après les criminologues et les politologues, dans le catalogue, désormais, il faudra adjoindre : déclinologue. Qu'est-ce qu'un déclinologue? Un crack bardé de diplômes, qui vous explique, en gros, que tout ce qui n'est pas du côté de l'ultralibéralisme penche du côté du déclin. A propos de déclin et de penchant, je m'aperçois que l'image de la tour de Pise serait assez pertinente pour illustrer l'équilibre précaire qu'assure l'ultralibéralisme et la chute assurée qu'il prome(u)t. Sauf peut-être que le résultat se déroulerait à plus court terme pour l'idéologie économique qui prétend succéder au bipolarisme et triompher du communisme... Dans un entretien du 7 octobre 2003 accordé à 20 Minutes, Baverez explique (sérieusement) : «Le temps libre, c’est le versant catastrophe sociale. Car autant il est apprécié pour aller dans le Lubéron, autant, pour les couches les plus modestes, le temps libre, c’est l’alcoolisme, le développement de la violence, la délinquance, des faits malheureusement prouvés par des études.» Egarement passager dû à la fatigue et aux dossiers (bref, au mode de vie que prône l'ultralibéralisme et qui repose sur le surmenage)? Qu'on en juge cette fois-ci avec un extrait tiré d'une époustouflante intervention sur France Culture (20/09/03) : " Le temps libéré par les 35 heures, c’est de la violence conjugale et de l’alcoolisme en plus. " Il faudrait commencer par expliquer que cette morgue et cette arrogance, dignes de la pensée ultralibérale, sont intellectuellement fort choquantes. Choquantes, mais logiques : il n'est pas surprenant que cet avocat, essayiste économique de tendance ultralibérale, énarque (promotion 1988), normalien (de la rue d'Ulm), docteur en histoire et agrégé de sciences sociales (excusez du peu!) travaille du côté du système qui lui a procuré cette myriade de diplômes. Aujourd'hui, l'intellectuel coopté par le système exprime l'impulsion dominante du système, soit l'ultralibéralisme (avec ses versions conservatrice et progressiste : Baverez et Minc), soit le totalitarisme élitiste et étriqué, soit l'exploitation à très court terme de l'humanité par une poignée de profiteurs et pour une poignée de dollars. Il serait peut-être temps d'arrêter d'accorder la valeur intellectuelle au pedigree scolaire. Car l'on constate que la rue d'Ulm, pour un Bergson génial, a accouché de centaines de singes savants et de perroquets babillants, dont Baverez est un avatar aussi réussi qu'éclatant. L'avantage avec ce genre d'énergumène, qui se prend pour le mime d'Aron, soit la dégénérescence intellectuelle d'Aron (sans qu'Aron soit Platon), c'est qu'ils indiquent invariablement le sens de la vérité. Il suffit presque de les prendre au mot, mais dans la direction inverse. Baverez est ultralibéral? C'est qu'il faut être spatial. Baverez défend l'abrogation des trente-cinq heures pour mieux renier les acquis sociaux européens et engager l'humanité dans la surenchère du travail (travestie en libération, comme de juste)? C'est que le travail progressiste du siècle à venir consistera précisément à penser la réduction du travail comme pensée politique. A l'heure où les progrès techniques éclatants assurent à l'homme les moyens de réduire son labeur et sa peine, la hausse du chômage indique assez que certaines élites égocentriques et ignares ont détourné le progrès à leur seul profit et pour leurs sales profits. Où le temps de travail aurait dû diminuer, c'est le chômage qui a augmenté! Assez logique quand on connaît la rivalité mimétique qui agite la nature humaine, mais totalement contre-productif si l'on prend la peine d'étudier où se situent les intérêts de l'humanité. L'apparition de la technique moderne appelle la diminution du travail. La gauche défendra le progrès véritable, non en servant une soupe démagogique contre l'ultralibéralisme, mais en axant son programme autour et à partir des vingt heures hebdomadaires. Non seulement l'objectif se révèle viable, mais, à l'inverse de la surenchère ultralibérale injustifiée, il assure la pérennité de l'humanité. Qui s'établit dans la conquête de l'espace et non dans la rivalité mondialisée...

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